Juliette Arnal

Ou l'éternel recommencement d'un processus créatif

 

J’ai commencé par un collage que j’ai fait assez intuitivement. Il comprend de la photo, du dessin, de l’aquarelle et un tableau. Ce tableau est assez significatif pour moi, parce que je l’ai vu toute mon enfance en face du lit dans la chambre de mes parents.

Cette peinture c’est « Femme qui coud » de Roger Chastel, une grande huile sur toile de 1 mètre 40 de hautIl m’a inspiré des totems. Ces totems sont faits à partir de parties distinctes que j’ai extraites de la peinture, ces parties qui étaient les détails que je sélectionnais avec mes yeux d’enfant et que je décortiquais les uns après les autres. Je les ai intégrés à des paysages inventés au crayon à papier.
Je vous propose de vous intéresser uniquement aux vases maintenant, comme j’ai pu le faire durant mon protocole. Leurs couleurs et leur ensemble m’ont donné envie d’en faire une gamme d’objets. Ces objets sont à la frontière du bougeoir, du récipient, du vase ou même encore pourquoi pas de la sculpture. J’aime l’idée que mes recherches créent comme une sorte de grille de lecture, un peu comme mon propre alphabet.  
Cet alphabet je l’ai mis en volume, assemblé autrement, ensemble ou isolés, ça nous raconte tout autre chose. Ces objets, ces dessins m’ont permis de créer de nouveaux collages qui eux même m’ont inspiré de nouvelles formes et objets et ainsi de suite. Et c’est comme ça que j’ai commencé à élaborer mon propre processus créatif comme un protocole.
Sur chacun de mes collages je voulais que le temps semble comme arrêté et surtout questionner ce qui est intemporel outre le fait de mettre ce diner sur pause. J’emprunte des formes, des styles de différentes époques (style byzantin ou encore gotique) que je mêle à des couleurs pop. Je joue avec les lumières et les opacités pour essayer de raconter sans cesse autre chose. Et ça transforme cette scène de départ, qui démultiplie cet instant de repas jusqu’à épuisement.
Puis il y a l’huitre. Elle a inspiré tout un travail plastique que j’ai photographié que vous pouvez voir ici. J’interroge encore la temporalité, je veux tenter de cristalliser cet objet vivant et consommable. Ce mollusque rocailleux, froid, mais aussi délicat et voluptueux. Grace à de la gélatine alimentaire et de la peinture je tente de faire illusion et de les rendre éternelles. J’étudie chaque détail à la manière du texte de Francis Ponge.  
J’essaie d’intégrer ces nouvelles réinterprétations d’huitre dans ces différentes scènes de repas, je tente de créer une distance presque, de leur construire une certaine intimité derrière leurs fenêtres. Comme si, au final j’avais envie qu’elles m’échappent. Mais il y a toujours ce peintre qui serte change de couleur mais qui peint toujours on ne sait quoi derrière son rideau. Et ses éléments qui me sont familiers qui reviennent : les huitres, les vases, le tableau de mon enfance…

Et ça pourrait ne pas s’arrêter là… Pour pratiquement tous mes travaux à Camondo ou mes projets à l’extérieur, j’ai sans cesse eu envie, quelques mois plus tard, de les reprendre, d’en faire autre chose, de les réinterpréter. Quand il a fallu choisir son sujet libre : ma liberté ça a été de vouloir un projet qui ne s’arrêterait jamais, qui n’aurait pas de fin.   FIN
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